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Comment expliquer la production de comportements « problématiques » pour l'individu ?

« Problématiques » pour l'individu car non conformes à ses motivations et à ses attitudes. Ces comportements « problématiques » ont été étudiés dans le cadre du paradigme de la « soumission forcée » et de la théorie de la dissonance cognitive.

I. La théorie de la dissonance cognitive[]

Définition initiale (Festinger, 1957)

L’état de dissonance est un état d’inconfort causé par une inconsistance entre au moins deux cognitions (= sentiments, pensées, croyances, ou connaissance)

D’après Festinger, lorsqu’un individu se trouve dans une telle situation, il ressent une sorte de tension psychologique appelée dissonance. (Bien sur, toutes les pensées inconsistantes entre elles ne génèrent pas un état de dissonance chez l’individu !)

Les auteurs ont alors considéré que l’état de dissonance était plus susceptible d’apparaître quand nous faisons ou apprenons quelque chose qui met en danger l’image de nous-même (ou intégrité physique et morale)

Définition révisée (Aronson, 1969)

L’état de dissonance résulte d’au moins une cognition qui est inconsistante avec l’image de soi.

L’apparition de la dissonance dépendrait donc de la perception qu’un individu a de lui-même, de la façon dont il se définit et de ce que cela implique en termes de comportements.

Exemple : si un individu se définit comme étant un menteur, le fait de savoir qu’il vient de mentir à un ami, ne provoquera pas de dissonance. En revanche, si une personne se définit comme intègre, le fait de mentir peut le placer dans un état de dissonance important.

La dissonance cognitive produit toujours un inconfort que la personne va tenter de réduire…

Trois principaux moyens pour réduire la dissonance :

  1. Changer notre comportement (exemple : arrêter de fumer) Réduction de la dissonance en changeant son comportement pour le mettre en accord avec la cognition dissonante.
  2. Changer l’une de nos cognitions inconsistantes avec notre comportement pour rendre ce comportement moins dissonant (exemple : se convaincre qu’il n’y a pas de lien scientifique entre le cancer et la cigarette)
  3. Ajouter de nouvelles cognitions qui sont consonantes avec notre comportement pour le justifier (exemple : se focaliser sur un cas exceptionnel de 95 ans qui a fumé toute sa vie)

Les justifications que l'on donne dans le cas 2 et 3 peuvent sembler un peu stupides pour un non-fumeur.

En fait, les personnes qui vivent un état de dissonance adoptent des positions extrêmes pour la réduire et s'engagent souvent dans une activité de rationalisation importante.

II. Qu'est ce qui nous met en dissonance ?[]

1.  L'insuffisance de la justification : quand de petites récompenses ou de petites punitions conduisent à des changements d'attitude importants.[]

Justification insuffisante : vous vous êtes comporté d’une façon qui est inconsistante avec vos attitudes alors même que vous avez peu de raisons de l’avoir fait, c’est-à-dire que vous avez peu de justification à votre comportement.

Il est probable que pour réduire votre dissonance vous vous mettiez à apprécier la comptabilité.

A. Des récompenses insuffisantes - Cohen (1962)

Période : Université de Yale durant une période d’agitation au cours de laquelle la police de la ville faisaient de nombreuses descentes sur le campus universitaire… (confrontations et violences policières)

Cohen demande aux étudiants de se forcer à écrire chacun un essai en faveur du comportement des policiers

Pour effectuer cette tâche, Cohen leur a également promis une rémunération plus ou moins importante selon la condition expérimentale : 50 cents, 1$, 5$, 10$ et condition contrôle.

VD : attitude envers les actions de la police.

Attitude = « dans quelle mesure l’action de la police dans les récentes émeutes vous semble-t-elle justifiée ?

  • - - : Très peu justifiée
  • - : Peu justifiée
  • + : Quelque peu justifiée
  • + + : Très

justifiée Plus la rémunération est basse, plus les attitudes des étudiants après l’écriture de l’essai est favorable à l’action de la police.

Les étudiants payés 10$ ont une justification externe suffisante pour avoir écrit un essai en faveur des policiers. Ils peuvent donc conserver leur attitude initiale peu favorable envers les policiers car ils ne sont pas en dissonance, tout comme les sujets de la condition contrôle.

En revanche, les sujets rémunérés 50 cents n’ont pas de justification externe suffisante pour avoir écrit un essai en faveur de la police. Ils ne peuvent réduire leur dissonance qu’en changeant leur attitude à l’égard des policiers et en adoptant une attitude plus cohérente avec le fait d’avoir écrit l’essai.

B. Des punitions insuffisantes

Expérience d'Aronson & Carlsmith (1963) : Le jouet interdit

1er temps : chaque enfant devait estimer à quel point il appréciait les différents jouets. Ensuite, l’expérimentateur désignait un jouet que l’enfant considérait comme très attractif et disait à l’enfant qu’il n’avait pas l’autorisation de jouer avec.

L’importance de la punition (ou de la menace) accompagnant cette interdiction était manipulée.

• Menace légère (« Ne joue pas avec ce jouet, ce n’est pas bien »)

• Menace lourde (« Si tu joues avec ce jouet, je serai en colère et je serai obligé d’agir en conséquence »)

2ème temps : L’expérimentateur quittait la salle de jeux et laissait à l’enfant l’opportunité de jouer avec les différents jouets. Quelle que soit la condition expérimentale (menace légère ou forte), aucun des enfants ne jouait avec le jouet interdit.

3ème temps : Après quelques minutes, l’expérimentateur revenait dans la pièce et demandait à nouveau à l’enfant d’estimer le caractère attractif de chacun des jouets de la salle.

Résultats :

Les enfants placés dans la condition « menace légère » ont modifié leur attitude à l’égard du jouet interdit qu’ils apprécient moins.

Situation de menace faible : les enfants peuvent difficilement justifier par des facteurs externes le fait de ne pas avoir choisi de jouer avec le jouet.

Besoin de réduire leur état de dissonance en se convainquant eux-mêmes que la raison pour laquelle ils n’ont pas joué avec le jouet est qu’ils ne l’aime pas vraiment.

Les enfants placés dans la condition lourde n'ont pas changé d’attitude à l’égard du jouet interdit, ils continuent à le trouver très attractif.

Les enfants placés dans la condition de menace forte disposent d’une justification externe à leur comportement : ils savent qu’ils n’ont pas touché au jouet parce que la punition qui allait s’en suivre allait être trop lourde.

2. La justification de l'effort : quand nous en venons à aimer ce pour quoi nous avons souffert[]

La plupart des gens sont prêts à faire beaucoup d'effort pour obtenir quelque chose qu'ils veulent vraiment. Parfois, ils peuvent être déçus par le résultat obtenu en dépit des efforts importants effectués.

Dissonance due au décalage entre les efforts fournis et le résultat obtenu. La dissonance provient alors du besoin de justification de l’effort fourni.

Aronson et Mills (1959)

Étudiantes se déclarent volontaires pour participer à un groupe de discussion portant sur le thème du sexe. L’expérimentateur disait à ces femmes que si elles voulaient rejoindre ce groupe, elles devaient d'abord passer un test de sélection permettant de s’assurer qu’elles étaient bien capable de discuter de sexe librement et ouvertement.

Trois conditions :

  • 1/3 des femmes étaient assigné à une condition dans laquelle le test de sélection était particulièrement sévère et embarrassant (lire à voix haute des mots obscènes et passages de livres décrivant des scènes sexuelles)
  • 1/3 devait simplement énoncer à voix haute une liste de mots à connotation sexuelle mais pas obscènes (test de sélection peu sévère)
  • 1/3 des étudiantes (composant la condition contrôle) était admis dans le groupe de discussions sans passer de test de sélection.

L’expérimentateur faisait ensuite écouter à chacune des participantes une discussion soi-disant en train d’être conduite par les membres du groupe qu’elle devait rejoindre (un simple enregistrement ennuyeux et ne parlant pas du tout de sexe)

VD : Une fois la discussion écoutée, on demandait à chaque participante d’évaluer à quel point elle était intéressante.

3. La justification de décisions difficiles[]

Anchaque fois que nous avons à prendre une décision difficile (se marier, choisir un type d’étude, choisir un travail) nous éprouvons de la dissonance.

En effet, par définition, une décision est difficile quand les alternatives entre lesquelles il faut faire un choix présentent à peu près les mêmes avantages et les mêmes inconvénients

Selon la théorie de la dissonance cognitive, quelle que soit notre décision, nous allons essayer de le rationaliser en exagérant les aspects positifs de l’alternative choisie et les aspects négatifs de l’alternative rejetée.

Brehm (1956) : les goûts et les couleurs dépendent de nos décisions.

Demande à des participants d’évaluer un certain nombre de produit de consommation (grille pain, cafetière, radio, etc.). Après leur avoir fait évaluer plusieurs objets. Il disait aux participantes qu’elles pouvaient emporter chez elles un produit comme cadeau.

Dans une condition de dissonance faible, il proposait aux participantes un choix facile entre un objet qu’elles avaient beaucoup appréciés et un objet qu’elle avaient peu apprécié

Dans une condition de dissonance forte, il proposait aux participantes un choix difficile entre deux objets qu’elles avaient jugés tout aussi attractif l’un que l’autre

Après avoir reçu leur cadeau, les participantes devaient réévaluer les différents produits (VD)

Résultats :

Dans la condition de faible dissonance, les évaluations après avoir reçu leur cadeau étaient à celles effectuées initialement.

En revanche, dans la condition de forte dissonance, l’évaluation de l’objet choisi après la décision est meilleure que l’évaluation initiale tandis que l’évaluation de l’objet non-choisi est moins bonne que celle produite au départ.

4. Les conséquences de nos bonnes et de nos mauvaises actions[]

Berscheid et al. (1968) montre comment nous pouvons en arriver à détester les personnes qui sont nos victimes – expérience dans laquelle des étudiants volontaires étaient amenés à administrer des chocs électriques « fictif » à un autre étudiant.

Condition expérimentale 1 : la moitié de ces étudiants croyait qu’il y aurait un tour de rôle, autrement dit, que la victime allait se retrouver ensuite en position de se venger en leur infligeant des chocs.

Condition expérimentale 2 : L’autre moitié de ces étudiants croyait que les rôles ne changeraient pas.

VD : les participants devaient dire à quel point ils appréciaient ou non leur victime

Résultats : indiquent que la victime n’est pas dépréciée dans la condition où le sujet pense qu’elle aura la possibilité de se venger (le sujet a un moyen de rationaliser son comportement)

En revanche, on constate qu’elle est largement dépréciée dans l’autre condition (le sujet vient de faire souffrir une personne qui ne lui a rien fait et qui ne pourra rien lui faire)

Pour rétablir un certain équilibre cognitif, le sujet change d’attitude vis-à-vis de sa victime (plus de dépréciation)

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